Bla Bla Bla Portraits

Mon octobre Rose, c’est le tien

C’est l’été, nous sommes sur cette plage, à Porquerolles, il fait beau, le soleil, brille, la mer est chaude. Nous venons de faire une série de photos en riant, pour que tu puisses témoigner. Tu veux témoigner, tu veux envoyer du positif, tu veux dire à d’autres femmes de ne pas avoir peur, toi d’habitude si pudique, tu veux prendre la parole, tu veux passer un message haut et fort.

C’est l’été, nous sommes sur cette plage, à Porquerolles, tu viens de t’agacer. Tu es en colère, les larmes aux yeux. Notre voisine de serviette à qui nous venons d’expliquer succinctement pourquoi nous faisons ces photos, revendique haut et fort, à 75 ans, de ne jamais avoir fait de mammographie. Son mari, fier, renchérit. Le temps est suspendu. L’ambiance pesante. Cette femme vient de te toucher, violemment, sans vraiment réaliser. Tu répliques. Tu fais mouche. Tu lui dis que tu aimerais que deux de tes amies chères puissent en dire autant. Mais il est trop tard, ces deux jeunes mamans sont déjà parties rejoindre les étoiles. Le couple, mal à l’aise, se lève, remballe ses affaires et s’éloigne discrètement.

C’est l’été, nous sommes sur cette plage, à Porquerolles, et le rire nous gagne à nouveau. Tu acceptes, l’idée de témoigner sur mon blog. Tu acceptes une interview. Je veux te laisser parler. Je veux que tu parles avec tes mots, pas les miens, que ce soit toi qui raconte.

C’est l’automne, je suis seule sur cette plage du Pays Basque, au moment où j’écris ces quelques lignes. Tu vas subir une quatrième intervention. Je sais que tu as peur, mais je sais aussi que tu es forte. Tu vas prendre la parole aujourd’hui sur mon blog, tu vas pouvoir passer ce message haut et fort, pour ce mois d’octobre rose.

C’est l’automne, je suis seule sur cette plage du Pays Basque, je mesure à travers nos échanges, combien je t’admire.

Je vous laisse découvrir son histoire.

Comment cette histoire démarre t-elle ?
Accro aux magazines féminins, c’est en lisant un article sur Angélina Jolie que j’apprends l’existence de deux gènes responsables du cancer du sein et de l’ovaire : le gène BRCA1 et le gène BRCA2. Cette histoire me renvoie au rapport, à la peur que j’ai avec cette maladie. Ma mère a eu un cancer de l’ovaire à 56 ans. Elle en est guérie aujourd’hui. J’ai aussi perdu, peu de temps avant la lecture de cet article, deux amies, mamans : une à 30 ans et une autre à 39 après dix années de lutte.
On imagine la douleur. Ton entrée dans le monde adulte a été marquée par ces maladies et elles t’ont donc profondément marqué intérieurement ?
J’en suis depuis hyper flippée. J’ai même eu à plusieurs reprises des crises de panique lorsque j’étais amenée à faire mes contrôles, contrôles qui étaient plus que réguliers. C’est à chaque fois un calvaire mais pour rien au monde je ne voudrais en louper. Je suis rassurée d’être assidue à ces examens. Cela me réconforte.
En quoi cet article est-il un élément déclencheur ?
Je comprends que l’on peut être porteur de ces gènes, donc avec un risque accru de développer un cancer. Une recherche plus poussée est indispensable. La décision est alors ultra-rapide et tout à fait évidente pour moi : je demande à ma mère d’effectuer cette recherche génétique lors de son contrôle annuel à l’institut Paoli Calmette (à Marseille). Si la réponse s’avère positive, je subirai à mon tour le test.
Quel est ton état d’esprit à ce moment-là ?
Je n’y crois pas tellement car aucun cas dans ma famille, du moins en lignée directe.
Comment cela se passe t-il après ?
Le 5 mai, le jour de mon anniversaire, la réponse tombe : ma mère est porteuse du gène BRCA1. Je suis déçue, je pleure, j’ai si peur. Malgré tout, je décide de faire immédiatement une prise de sang. Les résultats sont plus rapides : 3 mois. C’est à ce moment-là que le professeur nous reçoit. Il tient dans sa main une enveloppe. L’enveloppe de mon soulagement. Dans un cas comme dans l’autre, je serai soulagée. « Je n’ai pas de bonnes nouvelles » annonce t-il. Je comprends. Le professeur nous explique les deux voies qui s’offrent à moi : surveillance renforcée ou opération. Mon choix est clair, je le sais depuis le jour où j’ai envoyé ma mère faire son test : ce sera ovarectomie et ablation bilatérale des seins. En sortant, j’appelle ma gynécologue à Toulon, je la connais bien. J’ai confiance en elle. Je lui fais part de ma décision. Je comprends qu’elle va me suivre dans ma décision. Elle me reçoit le soir même des résultats. Il est très tard mais elle m’attend Elle me soutient sans jamais le dire.
Ta décision est immédiate. Tu n’as pas douté ?
Jamais je ne doute, jamais je n’ai peur. Pour la première fois de ma vie, je prends une décision sans douter, je suis sûre de moi. Je veux vivre, je pense à mes filles. Je veux faire cela pour moi, pour elles. Je suis tellement heureuse d’avoir ce choix, d’avoir la chance de le faire et je pense là à mes amies.
Comment ton entourage réagit-il ?
Ma décision est bien comprise par certains proches. Mais rapidement, et ce sera le plus dur dans toute cette aventure, d’autres personnes, de ma famille ou de mes amies tentent de me dissuader. J’ai parfois presque l’impression de faire un caprice ou de ne pas être courageuse de vivre avec ce BRCA1. Après tout « ce n’est qu’un petit gène invisible ». Je réponds « et 6 mois de chimio sans cheveu ? ». Je suis de toute façon déterminée. Je continue mon chemin, Mais cette détermination agace, renvoie aux gens leur propre angoisse : auraient-ils pris cette décision ? Même certains dans ma famille ne comprennent pas : « quelle idée ! pour se rendre intéressante peut-être ? »
Comment se passent tes interventions ?
Je tombe sur une équipe chirurgicale vraiment très bien. Puis, je suis tellement déterminée et confiante que mes deux interventions se déroulent parfaitement. Effectuées pendant les vacances scolaires, je ne loupe ainsi que deux jours d’école.
Et après tes interventions ?
Je me remets très vite. Je n’ai même pas mal au réveil. Je repars courir après un mois, skier après 6 semaines. Tout se passe vraiement très bien, malgré les nombreux récits de certains proches promettants des souffrances intenses. Les gens sont tellement prévenants. Heureusement près de moi, le noyau dur de mes amies, mes sœurs qui me soutiennent et m’encouragent. Je ne vis plus la peur au ventre. Je n’ai plus peur pour mes filles, pour ma vie. Je suis tellement heureuse d’avoir la chance de faire ce que tant d’autres n’ont eu le loisir de choisir. Je pense à toi là-haut.
Et dans ton rapport au corps après ?
Jamais je n’ai eu peur pour ma féminité ou ce genre de trucs. J’ai 10 000 fois eu moins peur pour l’ablation totale de ma poitrine que de décrocher le téléphone pour prendre rendez-vous pour une mammographie.
Au final, on peut dire que tu as été courageuse,
Je ne me considère pas courageuse pour cette décision. Tout a été facile pour moi. Je n’ai jamais hésité. C’était une évidence. J’avais besoin d’être soulagée, de me débarrasser de cette angoisse. Le courage, il faut l’attribuer à toutes celles qui luttent. Pour moi, c’est juste la chance d’avoir rencontré les bons médecins qui ont tout de suite accepté ma décision et qui ont changé ma vie. Depuis le début, je pense à mes filles, je n’ai pas peur, je pense à elles, je les aime tant.

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4 Commentaires

  • Reply
    Charlotte / gremlinsgang
    25 octobre 2017 at 10 h 53 min

    C’est un témoignage tellement émouvant.

    • Reply
      Madame Rose
      29 octobre 2017 at 22 h 33 min

      Merci Charlotte pour ce petit mot. Je dois reconnaître que même en l’écrivant j’ai été émue !

  • Reply
    Manayin
    26 septembre 2018 at 0 h 00 min

    Merci pour ce très beau témoignage. J’admire cette femme qui a su prendre les choses en main, et j’imagine les jugements voire les reproches qu’elle a du avoir venant de certaines personnes… pour ma part, je continue à admirer ceux qui prennent leur santé à coeur, on a trop vite fait de tomber malade ou de voir des proches partir !

    • Reply
      Madame Rose
      16 octobre 2018 at 13 h 28 min

      Merci pour ce retour et désolée pour mon délai de réponse (les aléas de la technique).IL faut beaucoup de courage je crois aussi pour faire face à sa maladie, aux autres, aux jugement et c’est admirable.

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